Il n’est pas étonnant que, parmi les milliers de Huguenots qui ont quitté la France à cause de leur foi pour se réfugier en Suisse, il y en ait eu que l’on ne pouvait pas considérer comme des persécutés, mais qui profitaient simplement des circonstances pour se faire donner des secours et des viatiques par les cantons évangéliques. Il s’agissait en partie de fripons et de mendiants.

Pour écarter les abus, les réfugiés devaient présenter des attestations que leur délivrait – à leur premier lieu de séjour en Suisse (voir note) – un de leur prédicants et, plus tard, une autorité laïque. Au cours de leur voyage ultérieur, par exemple à Berne, à Zurich et à Schaffhouse, leur arrivée et leur séjour étaient confirmés sur ces certificats. Les archives d’Etat des localités de transit conservent quantité de ces attestations. Ces dernières comportent en général une exacte description de la personne concernée, de la vie qu’elle a menée jusqu’alors et la constatation de sa fidélité à sa foi.

 

Exemples

« Nous, soussignés ministres des réfugiés à Lausanne, assurons que Jacques ORIOL, tailleur d’habits, âgé d’environ 19 ans, de taille basse, faisant profession de notre sainte religion, fréquentant les saintes assemblées, participant au Saint sacrement de la Cène et n’ayant jamais commis de scandale … »

ou

« Nous certifions à tous qu’il appartiendra que le nommé Charles ROUX, dit La Roche, soldat de la compagnie de Saint-Quentin du régiment de Languedoc, a eu la jambe droite coupée à cause d’un coup de mousquet qu’il a reçu au siège de Mayence en Allemagne, sortant de l’hôpital de Mastrech. Il est chassé par ordre de Louvois pour n’avoir voulu abîmer son hérésie. »

Il arriva le 7 avril 1686 à Schaffhouse

Ces attestations avaient une grande importance pour tous les réfugiés. Il arrivait, par conséquent, qu’elles soient falsifiées ou que le pasteur les délivre inconsidérément, sans avoir bien examiné le réfugié en question. Il arrivait aussi que des exilés les vendent pour se faire un peu d’argent. Pour empêcher de tels procédés, les certificats – sur une proposition de Berne – furent alors délivrés fermés et avec la mention du viatique reçu. En janvier 1688, une Ordonnance bernoise prévoyait en outre de délivrer les certificats uniquement à Morges et à Nyon.

Une innovation efficace fut aussi de ne délivrer que des attestations imprimées sur lesquelles chaque localité de passage inscrivait la date de départ. En outre, les cantons évangéliques convinrent de mieux contrôler les réfugiés entrant en Suisse. C’est ainsi que Berne s’engagea à faire vérifier soigneusement leur confession à leur arrivée à Lausanne.

Quant à la punition infligée à un trompeur, voici ce que rapporte Schaffhouse : Un Français, qui s’était faussement fait passer pour un protestant, a été mis au pilori et fouetté de verges ; les réfugiés d’ici l’auraient eux-mêmes exécuté devant les portes de la ville si on ne les en avait pas empêchés.

Outre les attestations, les réfugiés recevaient – en particulier lors de transports importants – des passeports dans lesquels leur itinéraire était mentionné, afin que les voyageurs atteignent leur destination par le plus court chemin et sans devoir séjourner plus ou moins longtemps dans diverses localités. Lorsque les réfugiés restaient assez longtemps dans une ville, les ecclésiastiques des Eglises françaises de ces villes leur établissaient de nouveaux certificats. C’est ainsi que David LECLOCHE, aprè sun séjour de sept semaines à Schaffhouse, se vit délivrer par le président de l’Eglise française un certificat « qu’il a fréquenté nos exercices et vécu d’une manière édifiante ».

Pour le bon déroulement de l’action de secours entreprise par les Cantons évangéliques, les attestations représentaient une importante institution.

 

R. UZLER (texte fourni par Simone SAXER)

 

Note :

A Genève, trop surveillée par le Résident de France, les pasteurs préféraient ne pas signer les attestations (ce que montre un document des archives de l’Etat de Schaffhouse) Souvent c’est à Lausanne que les réfugiés recevaient leur attestation.